STATION-SERVICE
En 2011 je me rends de Paris jusqu’en Inde par voie terrestre. S’ensuit un périple de 17 000 kms à moto à travers le pays. Je me rends alors très vite compte qu’il n’y a rien de plus réjouissant pour un voyageur gardant les pieds sur terre, de voir au loin la très reconnaissable enseigne ou architecture… d’une station-service ! Depuis toujours j’ai une fascination pour ces lieux, car pour moi, déjà enfant, ils symbolisent le voyage : ainsi du souvenir laissé par nos arrêts à la pompe sur la route des vacances familiale…
La station-service est avant tout l’endroit où l’on peut se réapprovisionner en carburant, afin de poursuivre son chemin. Mais pas seulement : la plupart du temps, une station ne ferme pas ou presque. En fonction du pays et de l’heure, l’endroit permet aussi d’acheter quelque chose à manger, de boire un café, d’acheter un bidon d’huile moteur… ou que sais je encore. La station est aussi le lieu des « commodités » : toilettes pour se rafraichir, « faire une pause », voire dormir dans l’herbe ou dans sa voiture. Le lieu est donc pourvoyeur de mille petites sécurités indispensables au routard.
La station rend aussi service aux autostoppeurs malchanceux : carrefour, l’endroit est idéal pour demander à quelqu’un s’il peut nous emmener. J’ai profité une fois en Turquie sur une longue distance, d’un covoiturage négocié rapidement dans une station essence… Sans station-service, la terre respirerait inévitablement beaucoup mieux, mais nos déplacements seraient limités, voire impossibles.
Le risque n’en est pas absent : surtout la nuit, lorsque la station se trouve au milieu de nulle part. Le long des routes les plus fréquentées, à leur orée, des âmes en quête d’échanges sexuels tarifés ou pas, peuvent y roder. La station se couvre du brouillard des relations interlopes…
Photographier ces endroits est donc depuis 10 ans, devenu un jeu. Qu’elles soient en service, en construction ou désaffectées, qu’elles m’inspirent le beau et la gaité de par leur modernisme et leurs vives couleurs, ou au contraire me laissent une impression lugubre et glauque, je ne peux aujourd’hui voir une station-service sans m’interroger : vaut-elle le coup de laisser une trace ?